CHIMIE DU VEGETAL

Alternative durable et écologique à la pétrochimie, la chimie du végétal consiste à utiliser les ressources renouvelables plutôt que fossiles. S’il a des applications très anciennes, le phénomène est en pleine expansion depuis la fin du XXème siècle, dans un contexte marqué par la raréfaction des ressources fossiles et par l’émergence de nouveaux défis environnementaux.

La chimie du végétal sous l’Antiquité

Si, déjà, la grotte de Lascaux était éclairée par des lampes à graisse (d’origine animale), de tous temps, les civilisations les plus avancées (Egyptiens, Grecs, Romains) ont su inventer des techniques tirant profit des ressources végétales. Durant l’Antiquité, les pressoirs et les moulins à huile servaient ainsi à extraire l’huile des graines oléagineuses, non seulement pour être consommée comme aliment, mais également pour concevoir des lampes à huile végétale, des huiles cosmétiques ou encore des savons.

Puis le XXème siècle a été marqué par l’entrée de dérivés du pétrole dans la composition de multiples produits pour un coût relativement peu élevé, ce qui a eu pour effet de reléguer au second plan les utilisations des ressources végétales.

Le poids de la chimie du végétal aujourd’hui

Mais depuis quelques années, la raréfaction du pétrole et notre prise en compte de l’environnement ont redonné un second souffle à la chimie du végétal. Elle se développe désormais dans presque tous les grands pays industriels : d’abord aux Etats-Unis et au Canada, puis en Europe, et notamment en France, et enfin dans les pays asiatiques (principalement en Malaisie, Inde et Thaïlande).

En France, près de 10% des besoins des chimistes sont couverts par les matières premières végétales (représentant un chiffre d’affaires total de 87 milliards d’euros).

Les différentes approches de la chimie du végétal

La chimie du végétal est envisagée selon plusieurs approches distinctes.

La première consiste à chercher à remplacer les molécules de pétrochimie en créant, à partir de produits végétaux, des molécules biosourcées parfaitement identiques à celles issues des matières fossiles. C’est par cette approche qu’a par exemple été mis au point, à partir de glycérine, le monopropylène glycol qui est utilisé comme détergeant et comme dégivrant pour avions.

La seconde approche suit un schéma inverse : les chercheurs commencent par cibler certaines propriétés (détergence, lubrification, revêtement…), puis s’emploient à trouver les solutions pour les apporter par des molécules innovantes biosourcées. C’est de cette façon qu’a été notamment créé le polymère PLA qui aspire à remplacer le PET, ou encore le polyéthylène dans l’emballage cosmétique ou agroalimentaire.

La variété des applications des huiles végétales et de leurs dérivés dans la chimie du végétal

Présentant des propriétés proches des dérivés du pétrole, les huiles issues des graines oléagineuses ont un large potentiel de développement. Et contrairement au pétrole, les huiles végétales présentent l’avantage d’être des ressources renouvelables, biodégradables et le plus souvent moins dangereuses pour la santé de l’utilisateur. Certaines molécules obtenues à partir des huiles végétales apportent même des propriétés et des qualités difficiles à obtenir avec des produits d’origine pétrolière.

Les huiles végétales trouvent des applications dans les domaines les plus variés :
- Les huiles végétales se caractérisent par un pouvoir lubrifiant, permettant l’atténuation des frottements entre deux surfaces, l’échauffement ou l’usure.
- Les dérivés d’huiles végétales permettent d’obtenir des solvants, dont les caractéristiques sont proches des produits issus du pétrole. Les solvants sont des molécules qui ont la propriété de dissoudre ou de diluer d’autres substances sans modification chimique d’aucun des composés. Les biosolvants obtenus se distinguent par leur absence de composés organiques volatils (COV) dont les émissions sont particulièrement néfastes pour l’environnement. En outre, ces biosolvants sont inoffensifs pour leurs utilisateurs : ils sont non-irritants, non-cancérigènes et ininflammables.
- Les tensioactifs (dérivés de la glycérine, des huiles de colza, de ricin, etc.) sont également particulièrement exploités. Ce sont des molécules amphiphiles constituées de deux parties, l’une hydrophile et l’autre hydrophobe. Ils présentent des propriétés solubilisantes, détergentes, mouillantes ou émulsifiantes.
- Produit hydratant et émollient, la glycérine est fabriquée en même temps que le biodiesel ou par hydrolyse de l’huile. Elle est notamment utilisée par les industries de la pharmacie, de la cosmétique et des produits de toilettes (savons, crèmes…).

Le tableau suivant présente les principaux domaines d’application des huiles végétales en chimie et les matières premières oléagineuses utilisées pour ces applications.

 

Type de produit Exemple d’applications Exemples de matières premières végétales utilisées
Lubrifiants et fluides hydrauliques Lubrifiants pour matériels travaillant en extérieur : chaînes de tronçonneuses, machines agricoles, engins de chantier… Colza Tournesol
oléique
Travaux de métaux Huiles et esters de colza
Fluides hydrauliques pour engins de travaux extérieurs Tournesol oléique
Produits de décoffrage du béton Colza
Fluides pour forages pétroliers en mer Colza
Moteur 2-temps Tournesol oléique
Solvants Fluxants pour bitume Esters d’huile de tournesol
Adjuvants de produits de traitement agricole Esters d’huile de colza
Dégraissage industriel, décapage en extérieur Esters d’huile de colza
Revêtements et encres Peintures et vernis Lin
Soja
Tournesol
Colza
Ricin
Encres Huiles et esters de soja
Tournesol
Colza
Traitement du bois Huile de lin
Linoléum Huile de lin
Résines polyuréthanes (mousses rigides) Ricin
Tensioactifs Produits cosmétiques (crèmes, rouges à lèvres…) Dérivés de glycérine et des huiles de ricin ou de colza (dont érucique)
Savons ménagers Huile de lin
Additifs dans procédés de fabrication et de nettoyage (usinage) Dérivés d’huile de colza (dont érucique)
Plastiques Additifs stabilisants et plastifiants Dérivés d’huile de colza érucique et soja
Divers Huile anti-poussière Huile de soja

Les protéines végétales issues de protéagineux (pois, féverole…) ou des tourteaux d’oléagineux (colza, tournesol…) ont également des propriétés et des potentialités intéressantes. Par exemple, la fraction albumine des protéines de pois peut être exploitée comme agent émulsifiant et moussant dans le domaine des détergents et des cosmétiques. Les globulines peuvent quant à elle être modifiées pour être utilisées dans le domaine des tensioactifs, des détergents, des adhésifs et des colles.

Les perspectives de développement de la chimie du végétal

Le potentiel de développement de ces bioproduits issus d’huiles végétales est très important. En concurrence avec les dérivés obtenus à partir du pétrole, ce développement sera notamment permis par l’obtention de bioproduits de plus en plus compétitifs économiquement et techniquement, par le caractère renouvelable, moins polluant et moins toxique de ces produits, ainsi que par une demande de plus en plus importante de la part des consommateurs et des industriels, soutenus par les pouvoirs publics.

 

La chimie du végétal en chiffres1

23 000 et 63 000

Nombres respectifs d’emplois directs et d’emplois indirects en 2011 en France rattachés à la chimie du végétal. 
Estimation pour 2020 : Entre 13 et 19 000 emplois directs supplémentaires en France par rapport à 2011. 


360 000 ha

Surface agricole utile française consacrée à des applications chimie/matériaux en 2012 (soit 1.2% de la surface agricole utile).


15%

Des produits de 1ère transformation (huiles, produits amylacés…) produits en France en 2012 sont valorisés en chimie/matériaux. Le chiffre est de 3% pour les huiles végétales.


 

1 Source : ALCIMED/ADEME - 2015